Raymond PIERRE Le 2 mars 2013 N°
272
Mesdames et Messieurs les conseillers municipaux de Clécy,
J'ai reçu de Sylvain Morand, 3 rue de Benfeld, 67150 Erstein, (Haut
Rhin), une lettre datée du 15 février qui m'a fait un très grand plaisir. Il
m'écrit: « Bonjour, C'est avec beaucoup de précautions que je me permets de
vous écrire. Fils (-second) de Guy Morand et de Suzanne « Suzette » James, * je
suis maintenant à la retraite après une carrière de conservateur de musée. Mais
qu 'importe. Ayant récupéré les quelques archives familiales, mes « loisirs »
me permettent de ranger, classer, archiver , etc ...Mais aussi de faire
resurgir des souvenirs longtemps enfouis Une image m'est apparue, celle où
avenue d'Hastings à Falaise, vous aviez rendu visite à mes parents entre vos
déplacements diplomatiques et vous nous aviez fait dans les années 1950 (?)
quelques tours de magie qui nous avaient émerveillés. C'est, bien sûr, un
souvenir d'enfant avec tout le grossissement du merveilleux enfantin, mais en
me replongeant dans ces archives photographiques, que vous possédez peut-être
et qui ont fait remonter cette anecdote. Ce ne sont que des images, mais elles
évoquent, au-delà de l'anecdote, un lien qui existe toujours en dépit de ces
longues années et votre amitié avec mes parents ne s'est pas perdue avec leur
disparition prématurée puisque j'en ai encore le souvenir et la trace. La vie
est sans doute le tamis de l'histoire mais, quelquefois, un lien ténu évite
l'oubli. Avec mon meilleur souvenir respectueux ».
* Jams, c'est Jacques en béarnais. Il doit y avoir du Henri IV
là-dessous.
J'ai connu Guy Moran en 1932 à Falaise, au collège Louis Liard, situe
dans l'enceinte du château de Guillaume le Conquerant. Nous sommes alors les
deux meilleurs de la classe de sixieme Sa supériorité sur moi en maths dépasse
largement ma supériorité sur lui dans presque toutes les autres matieres Il est
externe, moi interne Nous devenons vite amis Mes parents ne pouvant pas
m'envoyer chercher tous les samedis pour passer le weekend a Clecy, sa mere
m'invite un jour a venir chez elle avec lui Elle habite seule dans le val
d'Ante, au pied du château, un peu au-dessus de la fontaine ou le duc de
Normandie avait rencontre Arlette, la mère de Guillaume Blanchisseuse, c'est la
qu'elle lave le linge Sa maison est faite de quelques pièces aux cloisons
minces, enduites de chaux nue Elle irradie un tel amour filial qu'il
m'enveloppe, m'envahit, m'enchante Ce qui surtout nous unit, Guy et moi, c'est
notre même engagement politique Le temps passe: cinquième, quatrième, troisième
... Les croix de feu du colonel comte de La Rocque sont à leur apogée. Un
dimanche, des commerçants nous emmènent tous les deux à une de leurs réunions,
à Flers, route d'Argentan, dans une distillerie. Le battage s'est fait autour
de la présence du grand chef mais, comme souvent, il n'est pas là. En revanche,
sur l'estrade, il y a un grand orateur, Ybarnegaray. Après le rituel baiser du
drapeau, il entame son discours et soudain s'écrie: « Nous ne voulons ni
fascisme, ni communisme ». La salle reprend en choeur: « A bas le communisme! A
bas le communisme !». Le silence se fait. Guy et moi lançons à pleins
poumons:«A bas le fascisme! A bas le fascisme!». C'est ce qu'il ne fallait pas
dire. Nous sommes saisis, portés en l'air de bras en bras et sortis à coup de
pieds dans le cul. Qui m'ont ouvert les yeux. En seconde, quelque temps après,
je m'engage en Espagne.
Croyez, Mesdames et Messieurs, à mes sentiments les meilleurs.
Le Clos
Penché, 14570 CLECY.
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